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02

L’intelligence
collective

Astrid Jansen

Lecture 8’30

Ivre de la profusion technique de l’I.A., un créatif peut la craindre ou la convoiter comme une addiction. Certains en vantent les bienfaits, d’autres dénoncent la vacuité de son effet de passade. Avec les esprits créatifs Antoinette Ribas (BBDO Belgium), Bertrand Brach (Woogie), Frédéric Zouag et Nicolas Gaspart (mortierbrigade), nous avons discuté de cette soi-disant tentation de la machine à dépasser l’humanité.

Intrinsèquement mécanique, l’intelligence artificielle ne démontre aucune des spécificités de l’intelligence humaine, telles que la spontanéité, l’imprévisibilité (l’incertitude !), l’empathie ou l'émotivité, mais elle peut s’avérer libératrice pour la créativité. Comment ? D’abord, il faut explorer. Ensuite, se positionner.

Explorer l' I.A. pour booster la productivité et la créativité

Woogie est un studio créatif basé à Bruxelles qui fait de la production d’assets de communication (sites web, vidéos, événements digitaux, design, scénographie) et génère de la créativité dans les approches, les campagnes, les stratégies,… De par cette identité, Woogie voit de l’intérêt dans l’I.A. à deux niveaux : une aide à la production et un booster de créativité. « En bref, nous utilisons des outils basés sur de l’I.A. pour nous aider à produire et délivrer plus efficacement », explique Bertrand Brach, cofondateur, directeur de production. « En web, nous utilisons des modules d’aide au développement, et de développement prédictifs et correctifs. Aussi, Chat GPT va visiblement nous offrir un gain énorme de temps de documentation. En streaming et en vidéo, nous utilisons des modules de sous-titrage et de traduction en direct. Tandis qu’en editing vidéo, nous utilisons des modules de tracking automatisés qui nous font gagner en temps et précision. » Par exemple, Woogie vient de finir une série de capsules vidéo sur un sujet scientifique que le studio devait livrer dans un temps record, « faire un transcript manuel était impossible. Nous avons généré tout le sous-titrage à l’aide d’une I.A. Nous avons organisé une relecture pour des corrections techniques mais globalement le résultat est bluffant. Aussi, nous sommes occupés à essayer de vulgariser le fonctionnement des technologies web serverless, pour en expliquer efficacement les intérêts à nos clients. »

Bien sûr, Bertrand et son équipe se sont récemment amusés avec Chat GPT, Mid Journey, Dall-E mais plutôt à titre exploratoire. « De mon côté, c’est plutôt avec un objectif de veille car je me rends bien compte que le phénomène va progresser et se diversifier. Les outils ouvrent énormément d’opportunités. Les refuser, c’est se mettre sur une voie de garage. S’y engouffrer sans réflexion préalable, c’est risquer de passer à côté de leur richesse.»

L’I.A. libère du temps,
la créativité est libre

Chez BBDO, comme chez Woogie, on souligne le gain de temps précieux . « Nous utilisons l’I.A. régulièrement, en stratégie on gagne du temps pour dégrossir (desk research) et éliminer les premières intuitions », explique Antoinette Ribas, directrice créative, « ça nous permet de nous concentrer sur le vrai métier de stratège qui consiste à trouver un nouveau point de vue, frais, neuf, un nouvel angle d’attaque pour nos marques. » En termes de création, comme Bertrand, Antoinette s’y intéresse plus par curiosité, « mais je pense que pour des moke up, on peut gagner du temps. Si on pose de bonnes questions ou si on donne de bons « brief », c’est un raccourci pour atteindre notre objectif : « We create effectiveness » . Avec l’I.A., on balaye les premières pistes, on chope des insights, on s’informe sur le produit et de l’inspiration encore plus rapidement. C’est un peu Google en plus concis, rapide et surtout actif. »

Si BBDO n’a pas encore signé de création avec l’aide de l’I.A ., c’est un point dans tous les briefings de l’agence. « Il faut au moins essayer. Comme c’est le cas avec le Metaverse et les NFT. Au même titre que de créer une connexion supplémentaire dans nos campagnes via le social, digital, l’innovation, le data ou la création d’un service. Encore une belle manière de résoudre un problème différemment. L’effectivité c’est aussi être là au bon moment avec le bon message, le bon point de vue et la surprise créative et ce, au service de chaque média. »

Exciting !

Lors de la Coupe du Monde de la FIFA au Qatar, mortierbrigade a réalisé le projet The Dream Final pour De Morgen. « Nous avons utilisé l’I.A. pour montrer ce qu’on n’aurait jamais pu voir dans la réalité : des tribunes où tout le monde est le bienvenu. Est-ce que l’intelligence artificielle ne serait pas plus humaine que les humains eux-mêmes ? En tout cas, avec ce projet, c’est le cas », explique Nicolas Gaspart, copywriter créatif. « C’est un discours peu philosophique en soi », embraye Frédéric Zouag, directeur créatif « mais c’est une question qui revient souvent quand on parle d’ I.A.. Penser que l’on pourrait perdre cette touche humaine en voulant absolument robotiser. Avec The Dream Final, l’I.A. nous a permis de proposer un point de vue moins moralisateur sur le sujet de cette coupe du Monde Qatari tant décriée. »

Comme pour toutes les nouvelles tendances, Nicolas et Frédéric se disent curieux plus qu’effrayés. Pour eux, l’I.A. est avant tout une opportunité de proposer des concepts innovants. « On sait qu’à travers le monde, tout le monde réfléchit à trouver l’utilisation la plus créative de l’I.A.. C’est assez excitant. Frédéric prend l’exemple de Mid Journey : « on le briefe avec des mots clés (prompt) et on attend de voir les différentes images qu’il nous propose. Il y a cette part de loterie qui rend tout magique. Et il faut avouer que les résultats sont généralement de qualité. Du coup, je m’en sers maintenant pour les moodboards, ou présenter le key visual d’un concept. Une image qui m’aurait pris des heures sur Photoshop. »

L’ I.A. va-t-elle permettre de laisser « la machine » s’occuper des jobs moins créatifs et donc se concentrer sur la créa ? Ce qui permettrait d’élever le niveau global ? Pour Frédéric, c’est clair, Des jobs vont se perdre. Mais d’autres vont se créer. Il ajoute, pour l’anecdote, que dans le cadre du projet pour De Morgen, ils ont collaboré avec un photographe (Hadrien Hanse) passionné d’I.A., “Sans lui, nous n’aurions jamais su comment créer ces photos aussi réalistes. Certains jobs vont donc aussi évoluer.”

L’AI, un élément de plus
autour de la table

Pour Bertrand, Frédéric, Nicolas et Antoinette, il est important de surveiller l’évolution de l’offre car les outils basés sur des I.A. ont beaucoup à apporter à l’industrie créative. Mais pour cela - Bertrand l’explique très bien - : « il faudra réussir à les considérer comme une personne en plus autour de la table, et non comme un intervenant qui aurait toujours raison. Il faut que les inputs de l’I.A. enrichissent le processif participatif, mais il faut à tout prix éviter qu’ils le tuent. » L’ I.A. va probablement forcer l’industrie créative à se positionner différemment, « il va falloir capitaliser sur la valeur ajoutée qu’apporte le cerveau humain par rapport au cerveau machine”, continue Bertrand, “Je pense que c’est dans la compréhension émotionnelle du briefing que la différence va se jouer. En effet, sur ce point la sensibilité humaine et la proximité client ont un coup d’avance sur l’I.A. à deux niveaux : d’abord participatif, en mettant en place des méthodes d’écoute, de participation et d’idéation avec les clients, qui vont permettre de générer des briefings plus précis, plus aboutis, plus ancrés dans le réel. Ensuite : le travail en équipe. L’équipe va pouvoir mettre en commun une compréhension émotionnelle à travers le ressenti perçu par chacun.e, et donc générer un briefing unique qui intégrera une dimension émotionnelle forte. » Tout est donc bien une question d’intelligence collective qui n’a rien d’artificielle.