L’intelligence artificielle
me pousse
à cultiver
mon humanité.
Maintenant qu’un ordinateur plus savant que nous peut créer des histoires ou des images en un clin d’œil sur base d’un bon briefing, le schmilblick résiderait-il juste dans la capacité à poser correctement la bonne question à la plus performante des bonnes applications ? On peut ainsi obtenir une infinité de réponses, mais quelle sera celle qui retiendra notre attention, celle qui nous touchera. Une réponse est juste une réponse. Mais est-ce LA réponse? La proposition qui donnera aux êtres humains ce qu’ils ont envie de lire, de voir, d’entendre, de toucher, de ressentir?
La création peut être assez bonne pour l’usage qui en sera fait. Comme un concept, même basique, stupide ou copié peut remplir des objectifs à atteindre si on n’en attend que cela.Et au fond n’est-ce pas suffisant, n’est-ce pas assez bon? Non. Enfin je ne le pense pas personnellement…
Ce qui motive l’esprit éclairé d’un humain, naturellement curieux depuis les premières microsecondes de son existence, c’est la découverte, l’inédit, une sensation qui fait vibrer ses sens, ses cellules, battre son cœur et pétiller son cervelet. Alors on pourra se demander si une création d’ordinateur est moins humaine que celle produite par un humain lui-même? Et comme les ordinateurs ont été créés par les humains, ce qui ressort de ces machines n’est-il pas aussi humain? Pas si sûr…
La machine a été créée (par l’humain) pour gagner du temps, et par conséquent dans le système économique actuel, de l’argent. La production attendue de cette machine doit être la plus satisfaisante possible (pour les humains à qui cela doit servir) dans un cadre donné (par des humains) pour répondre à un besoin (d’humains) à un moment donné (vécu par des humains). Le plus satisfaisant possible, le meilleur possible et donc le plus économique, dans un contexte économique particulier. À nouveau, il est encore question d’économie.
La machine, l’ordinateur et sa capacité à produire, et maintenant aussi à “penser” ne sont donc que le fruit d’une recherche de profit économique. De l’économie de temps, d’argent, d’efforts. Pourquoi? Pour laisser les humain “profiter” de leur existence? C’était sans doute le projet initial.
Mais de quoi sont faites nos existences humaines sinon de réalisations et de réflexions. Nous n’avons pas assez d’une vie pour tenter tout ce qui nous tient à cœur, trop occupés à gagner notre vie pour nous réserver un peu de temps libre pour bla bla bla… etc. Alors si la machine produit un maximum de nos tâches fastidieuses, l’ordinateur, l’intelligence artificielle comme on voudra l’appeler, est mon amie. Mais si c’est pour faire à ma place ce que j’aime faire -c’est-à-dire créer, imaginer, concevoir- alors c’est le monde à l’envers. Ça voudrait dire que je bosse comme un con à l’usine pour laisser la machine tenter de m’imiter ou de me dépasser dans les activités créatives dans lesquelles je suis censé me réaliser.
Pendant ce qui me reste de temps libre après le boulot, je vais regarder des peintures générées par ordinateur, des séries dont les scénarios ont été imaginés par un ordinateur avec des acteurs virtuels générés par ordinateur, je vais aller à un concert d’artiste virtuel dont les chorégraphies et les morceaux ont été générés par des algorithmes récupérés et croisés à partir de tout ce que contient le world wide web…
Vous souvenez-vous de Green Sun? (attention spoiler) Quand il ne restera plus rien d’autre sur Terre que des déserts et des humains qui se mangent pour survivre le temps qu’on leur laisse, l’ultime bonheur sera-t-il de regarder des images générées par ordinateur (dans lesquels on pourra même avoir un aperçu des sensations grâce à des lunettes ou des capteurs) nous montrant tout ce que notre fameux système économique a éradiqué de ce que fût notre belle planète?
J’ai encore l’envie et l’espoir de croire en autre chose. En une autre organisation possible, un système dans lequel chacune et chacun a ou prend le temps d’imaginer et de faire ce qu’il veut ou ce qu’il aime en apprenant, en ressentant, en vivant jusqu’au jour où, repu d’une vie remplie d’expériences, ses suivants l’en remercieront, prendront le relais et joueront leur propre rôle sans crainte de lendemains plus sombres ou sans intérêt.
Enfin, pour répondre à la question “Quel rôle l’IA est-elle appelée à jouer dans mes activités personnelles?”, sans rentrer dans le détail de mes activités dans la création commerciale ou de fictions, dans la stratégie de marques, dans l’enseignement artistique, dans l’administration d’une entreprise de travail adapté aux personnes en situation de handicap et dans l’organisation d’un festival sur la transition économique, j’ai une piste de réponse : l’intelligence artificielle me pousse à cultiver mon humanité.
Et rien que pour ça, je remercie tous les chercheurs, les ingénieurs et les économistes d’avoir créé l’artificialité intelligente.